Incontestablement, la publication des albums à succès est une constance dans les annales de l’Orchestre Tropicana d’Haïti. Cet important maillon de la musique haïtienne s’affiche comme un réservoir inépuisable pour le Compas. Avec des morceaux à succès dans son riche répertoire, il s’est taillé une place importante. On ne se lassera jamais de déguster Ingratitude, Superstition, Angélique, Gason Total, Pran Pasyans, Lanmou Bèl, Aprann Reflechi…?
En ces temps plus que troublés où l’être haïtien éprouve toutes les peines du monde à se redéfinir, Tropic, en ce mois de juin finissant, intervient avec l’album GWO TANTA, pour mettre fin à une période de vaches maigres dans le monde musical haïtien. Par la magie de ses nouvelles productions, la Fusée d’Or a réussi l’exploit d’entremêler mots, sons, arrangements… pour propager un brin d’optimisme, tant sur le plan national qu’à l’échelle de la diaspora.
À l’haïtien d’aujourd’hui meurtri, humilié et projeté dans les tréfonds d’une crise multidimensionnelle sans bornes, ce nouvel opus est venu apporter un nouveau souffle de vie, un regain d’espoir… Malgré les adversités, ce groupe musical maintient la cadence et perpétue une tradition de grands compositeurs (Charlemagne Pierre Noël, Daniel Larivière, Cinna O. Charles, Parisien Fils-Aimé, Louis Jean Lubin, Pelotat Pierre, Raphaël Telsaint, Luc Doralus, Johnny J. Stiven, Herlex André, Frandy Julien… ) et de compositions follement entrainantes. On pourra toujours déformer un billet, mais on ne parviendra jamais à en altérer la valeur. Cette nouvelle production est une vraie béquille psychologique dans le contexte actuel. Ce n’est pas avec exagération que l’artiste Smoye Noisy a reconnu ne pas pouvoir identifier d’autres antistress à la dimension des compositions de Tropic.
Des réactions qui impressionnent
Dès les premières auditions, les différents titres ont soulevé une marée de réactions favorables, sur les ondes et sur les médias en ligne, en particulier. Parmi les mélomanes et les fans de Tropic, une concurrence outrée se livre déjà entre les onze (11) morceaux. C’est la preuve irréfutable que rien ne pourra en freiner l’élan.
J’ai été agréablement surpris par les commentaires à chaud de Donald Jean, actuel PDG de Média Mosaique (Montréal, Canada), présentateur-vedette du journal matinal à Radio Vision 2000, avant les troubles sociopolitiques de 2004. Face à la dimension de ces tubes qui commencent à embraser les médias, il n’a pu contenir ses impressions :
M wè mak depoze a toujou la
Nèg yo rive marinen l ak yon bèl touch modènite
Enpresyonan !
M wè plizyè nouvo chantè m pat konnen, ki byen pase sou albòm nan
Vwa Luc Doralus menm se yon myèl ki reyini Paul Edouard, Giordani…
Se klè ke nèg yo ap suiv chemen yo te trase a…
Anfen, m swete nèg yo byen komèsyalise pwodui a, sou tout rezo yo, pou antre yon bon kantite lajan, paske fòk yo toujou ap chèche meyè fason pou monetize pwodiksyon yo. M di nèg yo felisitasyon.
Avec des harmonies respectueuses des tympans des mélomanes, ce groupe musical, fondé depuis le 15 août 1963, a réussi le difficile exploit de s’adapter au temps, tout en conservant son originalité. Pour ses stratèges et tacticiens, changer n’est pas synonyme de dénaturer. Ce qu’a confirmé le grand Aimé Césaire dans son « Discours sur le Colonialisme » : … J’admets que mettre les civilisations en contact les unes avec les autres est bien : qu’une civilisation, quel que soit son génie intime, à se replier sur elle-même, s’étiole; que l’échange ici est l’oxygène… Bravo Tropik !
Toujours respectueux de son public exigeant et varié (une vraie mosaïque) et du travail bien fait, Tropicana rime de fort belle manière avec les considérations d’auteurs de valeur qui ont publié sur la musique. Dans leur ouvrage « Musique aux Antilles » paru aux Éditions Caraibéennes , Maurice Jallier et Yollen Lossen reconnaissent qu’Aux Antilles, la chanson accompagne et scande tous les moments de la vie. Elle exprime la gaieté, la tristesse, la révolte et l’espoir. Et, pour ceux qui croient ne pas avoir le rythme dans les jambes, ils prescrivent qu‘il n’est pas nécessaire, aux Antilles, d’avoir appris à danser pour exprimer ses sentiments au moyen de son corps. Il suffit de se laisser envahir par le rythme. Pour avoir répondu à ces critères, Tropicana occupe une place de choix dans le cœur des antillais qui vont à coup sûr déguster à pleines dents les onze (11) compositions de cet oeuvre qui radiographient (lòm gen limit, nou mele, ipokrizi, gwo tanta, se domaj…), apportent conseils (gwo tanta, tik tik, si m te konnen, lanmou sou poz, ipokrizi), rendent hommage (mèsi manman, grâce à toi …), et qui, comme à l’accoutumé, feront tanguer les hanches dans les soirées dansantes (lanmou sou poz, tik tik, don’t do that, si m te konnen, grâce à toi, se domaj…).
Cet ouvrage musical de onze (11) compositions est venu assouvir la soif d’un public qui commençait à s’impatienter. Sur la page Facebook de l’orchestre, les commentaires abondent… Certains ont retenu notre attention d’observateur :
- Wadson Victor reconnaît que Herlex André (Docteur Dòy), keyboardiste et compositeur de Tik Tik et de don’t do that se modernise au quotidien dans ses touches. Il souligne en même temps la performance des chanteurs Luc, Bronson, Wendy…
- Roland Volcy qui s’est identifié comme fan de Septentrional a accepté que tout albòm nan bon. Tropik fe mèvèy 100/100…
- À la question de détecter les préférences dans ce nouvel opus, tous les titres sont cités avec insistance. Hickel Blaise, placé dans l’embarras du choix, est allé jusqu’à demander à l’interrogateur de ne plus poser ces questions trop difficiles car, à son avis, tous les morceaux sont des hits. D’autres internautes ont cité leurs choix, contrairement à Marie Chrismène qui a ordonné : Banm Tropik mwen toutan, nan tout kò m, epi lapè. Pour sa part, Joe Watson Sbf qui a applaudi l’album a uniquement regretté n’avoir pas entendu les slogans de tonnè krazenwen de Maestro Tiblan…
En guise de conclusion…
Irréversiblement, tout présage que cette nouvelle publication fera tâche d’huile et gagnera beaucoup de coeurs. Déjà commercialisée, elle aura la valeur d’un baume réconfortant et aidera à meubler les heures de solitude. D’un seul jet, aux premières prestations champestrales (Camp Louise, Trou du Nord, Montrouis, Limbé, Terrier Rouge… ), les mélomanes sifflent de joie, avec les bribes de ces nouvelles compositions sur les lèvres. Ils en parlent, ils en causent… Cet accueil chaleureux ira crescendo aux soirées festives de Borgne, Plaine du Nord, Limonade, Liancourt… Comme a reconnu Donald Jean, avec toutes les générations de mélomanes à ses pieds, Larivyè pran retrèt, Tropik kontinye fè resèt… Gwo Tanta pwolonje yon mit… Djaz sa se yon machin a hits…
Hommage méritoire à tous les musiciens, aux compositeurs (Pelotat Pierre, Johnny J. Stiven, Herlex André (Dr Doy), Luc Doralus, Raphaël Telsaint, Doudou Bass, Frandy Julien (Ti Anfan), à Lubert Baptiste (harmonisations et arrangements savants), Cinna O. Charles (maestro Tiblan) pour sa supervision, et à cette grande famille de mélomanes qui a vraiment du goût !!!
Gérald Jean Baptiste,
(509) 4866-2020